Commentaires

2008-08-30

Ya Sharr Mout

Thomas Burkhalter, Artlink 30.08.2008

Quelque peu triste et extrêmement sensé.

Lors du congrès international pour la musique arabe au Caire, les musicologues affirmaient qu’il était un traître de la musique et de la culture arabe. Turkmani avait voulu revisiter la forme musical Muwashahat avec un ensemble égyptien. Aussi dans la nuit, les musicologues faisaient du tapage à sa porte d’hôtel. C’est ce que raconte Turkmani au début du film documentaire de la cinéaste zurichoise Sabine Gisiger. Par des images expressives, le film nous emmène dans la vie et le travail créatif de l’artiste libanais vivant actuellement en Suisse. Turkmani a fait la guerre civile, s’est disputé avec son père, a étudié à Moscou et finalement il a atterri en Suisse. Tout cela fait partie de sa performance audiovisuelle « Ya Sharr Mout » - on le comprend dans le film. Sa colère, son trauma, ses sentiments de culpabilité et ses nostalgies surgissent de manière abstraites dans des associations audiovisuelles pleines de dissonances et indéfinies. Par-dessus tout plane une brise légère pleine d’attente passionnée. «Dans ce pays, la beauté est morte» chante Nisreen Hmaidan et déclame un texte de Nadia Tuéni. La réponse donnée aux musicologues du monde arabe est très personnel, parfois douce et fragile, quelque peu triste et extrêmement sensé.

2008-08-29

Ya Sharr Mout

Iman Abderrahmani 29.08.2008

A la recherche d’un langage musical propre à lui

A la recherche d’un langage musical propre à lui, fidèle à sa philosophie, l’artiste Mahmoud Omar Turkmani a essayé d’innover la musique arabe. Un vent de modernité marque ses compositions qui sont la traduction de ses diverses expériences culturelles. Plusieurs concerts ponctuent la tournée en Tunisie de l’artiste libano-suisse Mahmoud Omar Turkmani. Né à Halba en 1964 dans une famille artistique, le petit Turkmani a excellé et a fait tourner les têtes par son génie précoce. Agé à peine de cinq ans, il a commencé à gratter son ûd et sa guitare. Quelques années plus tard, il a rejoint l’Orchestre de Marcel Khalifa avant de lancer son propre groupe “Rabî” (Printemps) et d’intégrer ensuite “Willada”, une troupe folklorique libanaise. Avec le déclenchement de la guerre civile, Mahmoud Omar a quitté le Liban pour Moscou pour achever ses études musicales. Après l’obtention de son diplôme de l’Académie d’Etat pour les Arts en 1989, il a choisi de partir pour la Suisse où il a travaillé en tant que professeur de guitare. Avide du savoir et perfectionniste, Mahmoud Omar Turkmani a essayé d’approfondir ses connaissances et de poursuivre ses études. Et c’est avec son groupe “Ludus” qu’il renoue avec le public des grandes salles et passe de la théorie à la pratique et à la concrétisation de ses rêves musicaux. De ses origines libanaises, de cette musique arabe qui résonne toujours dans ses neurones, Mahmoud Omar s’est inspiré. Les frères Rahabani le fascinent par leur musique qui concilie authenticité et modernité. Le “Mouwachah” est le champ d’action favori de cet artiste qui a réussi à sortir des carcans de la musique classique arabe. Ses œuvres: “Point I”, “Point II”, “Hdiye” (en hommage à sa mère), “Hanin” (en hommage à son frère), “Noqta”, “Point III”… ont été l’expression de cette âme révoltée. “Quand j’ai prêté l’oreille aux compositions de Mahmoud, j’étais trois fois enchanté: en premier lieu par la virtuosité de son jeu, puis par la beauté de ses mélodies, et en troisième lieu par le son du luth qui s’élève du fond des nuits orientales et vient dialoguer avec les guitares, le plus beau des dons sous le ciel de l’Europe”, témoigne Mansour Rahabani. Deux soirées sont déjà au programme du Festival de la Médina, les 2 et 3 novembre, le public tunisien découvrira le talent de Mahmoud Omar Turkmani qui sera accompagné de Rihab Metawee, Ahmed Osman, Mohamed Hamdy, Khaled Abou Higazi, Khaled Owaïda, Saber Abdel Sattar, Amr Mustapha, Nehad Essayed et Hani El Badri. Violoncelle, qanoun, douf, flûte, violon et autres instruments orientaux et européens seront au rendez-vous!

2008-08-03

Neuchâtel

CINÉMA ? Les mélopées de Zâkira emmènent l'auditeur dans un monde surprenant. Photo Galley 28/08/2006 CERNIER Un bouquet de musiques Airs traditionnels arabes, opéra en un acte, concerto pour choeur, ensemble de percussion, sonates pour piano, jazz expérimental: les Jardins musicaux portent bien leur nom! Un week-end aux Jardins musicaux, à Cernier, tient à la fois du voyage initiatique et du marathon. De concert en concert, de café en café, il y a ces visages que l'on voit, que l'on revoit. Entre deux représentations, on a juste le temps de flâner entre les stands du marché. Malgré la pluie, la boue et le froid, le public est venu très nombreux. On parle, on se rencontre, on partage. Quel que soit le programme, la grange fait le plein. Réunir plus de 300 personnes un dimanche matin pour assister au Concerto pour choeur de Schnittke est une gageure. Et pourtant! Quelques moments forts... Zâkira. Neuf instrumentistes sur scène et une chanteuse. Mahmoud Turkmani est un compositeur libano-suisse explorant la richesse de la musique traditionnelle arabe et de ses instruments. Créateur, il s'attache à concevoir un nouvel univers sonore. Il s'est entouré de musiciens d'exception, lui-même luthiste et guitariste de talent. Le concert nous emmène dans un monde surprenant. La présence de gammes inaccoutumées et de trois quarts de ton déstabilise. L'ensemble exploite avec une maîtrise extraordinaire la symbiose qui peut naître entre les différents instruments: la percussion et la contrebasse s'associent en une subtile alchimie, flûte et voix sculptent plexité de l'oeuvre. La densité de la texture sonore, harmonique et contrapuntique, n'empêche jamais les voix de sonner pleinement. Les registres se divisent, puis se retrouvent dans l'apaisement d'un accord consonant. La maîtrise du choeur est au service de la musique de Schnittke, majestueuse, fervente, méditative, jubilatoire ou angoissée.

2007-10-26

Ya Sharr Mout

Alain Campiotti, Le Temps

Le Liban entre le mal et la pute

La première mondiale donnée à Beyrouth de l'oeuvre d'un compositeur libanais vivant à Berne fournit une introduction inattendue aux déchirements d'un pays censé élire son président le 12 novembre prochain. Alain Campiotti, Beyrouth, Vendredi 26 octobre 2007 Selon la manière dont vous le dites, «ya char mout», en arabe, a deux significations: «que meure le mal», ou «fils de pute». Ce n'est pas la même chose. Cette exhortation et insulte s'étalait au début du mois, en lettres blanches et rouges, sur le mur du Théâtre Al-Madina, rue Hamra. L'auteur venait d'Oberscherli, dans le canton de Berne. Mahmoud Turkmani est né dans l'Akkar, la région la plus pauvre du Liban, au nord de Tripoli; adolescent, il est entré en musique, a couru les conservatoires, jusqu'en Suisse finalement, où il s'est installé. Le compositeur a donné en première mondiale à Beyrouth Ya char mout, dont le texte est adapté des Archives sentimentales d'une guerre (la guerre civile), de la poétesse Nadia Tueni. L'oeuvre est née d'une expérience dramatique. A la suite d'un accident cérébral, Turkmani n'a récupéré l'arabe que peu à peu. En surmontant une dyslexie, il a découvert le double sens des mots, de l'écriture elle-même, les chausse-trappes et les provocations de la langue. Ya char mout, interprété par six musiciens, a aussi un prolongement sur grand écran: le vidéaste Michael Spahr y parle justement des mots qui flottent entre les sens, et il montre Beyrouth dans un vacillement vertigineux. Mahmoud Turkmani ne le dit pas, mais l'oeuvre qu'il a présentée au Théâtre Al-Madina est un commentaire sur le Liban moderne dont la guerre civile a accouché: pays de fauxsemblant et de double discours, où les mots piégés par l'histoire cachent la violence. Un incident venait de le démontrer de manière caricaturale. Le jour de l'assassinat du député Walid Eido (majorité - pro-occidentale comme dit l'autre camp), une chaîne de télévision contrôlée par l'opposition (pro-syrienne comme dit l'autre camp) rendait compte de ce nouvel attentat à la voiture piégée avec un ton de circonstance. Sur des images de carnage, de tôles tordues et de fumée noire, on a soudain entendu la journaliste de service dire ceci dans un micro branché par erreur: «Pourquoi leur a-t-il fallu si longtemps pour l'éliminer? Fatfat (un autre député) devrait être le prochain. Je tiens le décompte.» Le Liban est ainsi. Un débat apparent et du sang dans le fond. Une nation zébrée par les haines. Des intérêts nationaux enfouis sous les influences extérieures. Pas facile à percer. Pour le faire comprendre - outre la musique et les images -, une revue du personnel politique libanais, dans ses premiers rôles, est utile. Pourquoi ne pas commencer par le plus puissant? Ou plutôt - c'est l'Orient - le plus riche: le député Saad Hariri. Première surprise: il est Saoudien, et il en a même l'apparence, portant une barbiche et une moustache noires qu'on dirait empruntées à Riyad au roi Abdallah. Il a bien sûr aussi un passeport libanais. Saad est le fils de Rafic Hariri, pauvre sunnite de Saïda qui était parti en Arabie saoudite faire fortune dans la construction, avant de revenir au Liban, il y a trente ans, pour rebâtir le centre de Beyrouth et, croyait-il, le pays. Il a gouverné d'abord avec le tuteur syrien, achetant son chemin. Puis il s'est rebellé, a été assassiné (2005). Saad a couru à Beyrouth pour venger le père. Il est entré dans son habit trop grand: l'aîné était un géant, le fils est un nain, avec un immense trésor hérité. Il a donc une vaste clientèle. Le jeune Hariri s'est même montré généreux avec les groupes salafistes (islamistes sunnites), influents à Saïda et Tripoli, dans l'espoir de les neutraliser ou d'en faire des alliés. Il est possible qu'une partie de cet argent ait alimenté la caisse du mouvement (Fatah al- Islam) qui a déclenché cet été le soulèvement du camp palestinien de Nahr al-Bared. Il a fallu trois mois de bombardements à l'armée du gouvernement que soutient Hariri pour venir à bout de cette rébellion fanatique; et un petit pont aérien d'armes américaines pour assurer le succès de cette rude mission. Saad Hariri vient de rentrer des Etats-Unis. George Bush promet encore des armes. Walid Joumblatt était aussi à Washington. Pour Hariri, c'est un allié compliqué: le plus enflammé des adversaires du régime syrien, après avoir été son fidèle serviteur. Joumblatt est le chef dynastique de la communauté druze, et c'est un début d'explication. Les Druzes sont peu nombreux au Liban, moins de 10% de la population. Les autres sont en Syrie et en Israël. Difficile unité, difficile survie, d'autant plus que les musulmans tiennent l'ésotérisme druze pour une complète apostasie. Pour se protéger, les chefs ont développé de subtiles stratégies d'adaptation et l'art de la taqiya, la dissimulation. Kamal Joumblatt, le père, trouvait aussi son inspiration dans le marxisme et l'hindouisme. Il y a un demi-siècle, avant d'être assassiné en 1977, il avait rêvé pour le Liban d'un grand parti progressiste. Le fils en a conservé le clan et une milice. Sa bataille la plus acharnée et la plus cruelle, Walid Joumblatt l'a livrée pendant la guerre civile pour le contrôle du Chouf, foyer druze, contre les Forces libanaises chrétiennes. Son ennemi alors mortel, dans les combats de la montagne, était Samir Geagea. Aujourd'hui, c'est son allié à Beyrouth, et celui de Saad Hariri. Grand chauve à la petite moustache noire, Geagea est un homme des cèdres du nord. On l'appelle El-Hakim, le docteur, parce qu'il a commencé des études de médecine. Pour ses adversaires, c'est un tueur. En 1994, le chef des Forces libanaises (dont il s'était emparé par un coup de force contre l'héritier du parti des Phalanges chrétiennes, Amine Gemayel) avait été condamné quatre fois à la réclusion perpétuelle pour l'assassinat de plusieurs leaders politiques (Dany Chamoun, Rachid Karamé, etc.). Mais le procès avait eu lieu quand Damas contrôlait le Liban, et Geagea s'était souvent battu contre les troupes d'Hafez el-Assad. Il y a deux ans, après le départ des Syriens, les députés libanais ont voté une loi pour blanchir le chef des Forces libanaises, qui est maintenant, en complet veston, le leader d'une faction majoritaire au parlement. Dans toutes ses batailles, naturellement, Samir Geagea ne s'est pas fait que des amis. En 1978, il avait participé près de Tripoli au raid dans lequel la famille de Tony Frangié, héritier d'un autre clan chrétien, avait été massacrée. Et Michel Aoun, le général qui fut l'éphémère chef de l'Etat de 1988 à 1990, ne lui a pas pardonné de s'être alors dressé contre lui. Aujourd'hui, le parti des Frangié (Marada) et celui de Aoun sont dans l'opposition, alliés au Hezbollah.

2006-03-13

Liban magnifié par le luth

ATR

(Neuchâtel & Littoral)

Une note entendue pendant plusieurs minutes. Entendue avec toutes les modulations, vibrato et effets dont est capable l'oud (luth arabe), glissés furtifs vers d'autres degrés à peine ébauchés pour mieux mettre en valeur la note fondamentale. Le mode est ainsi exposé de manière lente, amoureuse, obsédante. L'oeuvre n'a pas encore commencé, mais l'on sait déjà qu'on est en face d'un maître. Et Mahmoud Turkmani, Libanais naturalisé Suisse, en fera la preuve au long du récital d'inspiration arabe et libanaise, dont la plus grande partie est en fait l'oeuvre propre de ce joueur d'oud également compositeur. Ses pièces trouvent leurs racines dans les modes et les sonorités arabes, mais transmuées dans un langage personnel, qui ne dédaigne pas d'autres influences, suscitant parfois des couleurs de free-jazz arabe surprenantes. Ce concert s'insérait samedi soir dans un Café Liban au Centre culturel neuchâtelois, en partenariat avec la Maison de l'Europe transjurassienne, entre conférence et agape. Le musicien s'y est associé au percussionniste iranien de grand talent Keyvan Chemirani. Au zarb ou sur d'autres tambours proche-orientaux, celui-ci réalise des merveilles dans la danse subtile de ses deux mains, qui culminent dans une époustouflante improvisation sur un rythme à sept temps. Turkmani échange à l'occasion son oud contre une guitare, dont il extrait avec bonheur des sonorités toutes orientales et inattendues. Les deux artistes se répondent et se complètent dans une intense complicité. Du grand art du Proche-Orient qui touche au coeur, à réentendre aux Jardins musicaux cet été. / ATR

1999-02-03

Nuqta

Mansour Rahbany. Beyrouth, 03.02.1999

C 'est du Nord que vient Mahmoud Turkmani, pour nous entraîner au plus profond de la musique. Penche sur les cordes de s guitare, il y fait passer les plus agréables des mélodies. De l’Europe, il reçut le brillant de s technique. Son jeu démontre chez lui la maîtrise parfaite de son instrument. Le style de ses compositions est parcouru du vent de la modernité. Mais c'est surtout son cœur qui rayonne du soleil de son pays, les terres de l'Akkar du Nord-Liban, un soleil qui réveille les vallées du Nord o des le matin se répercutent les chants des hommes. Quand Mahmoud Turkmani est parti étudier la musique en Suisse, il y apportait de chez lui le chant des oiseaux niches dans les buis. En lui aussi, le timbre de la flute des bergers et le ramage des tourterelles. Quand j'ai prêté l'oreille aux compositions de Mahmoud, j'ai été trois fois enchante: En premier lieu par la virtuosité de son jeu et puis par la beauté de ses mélodies et en troisième lieu par le son du luth qui s'élève du fond des nuits orientales et vient dialoguer avec les guitares pour le plus beau des dons sous le ciel de l'Europe.